J’ai donc laissé tous mes nouveaux amis Canadiens de l’autre bord de la frontière avec environ une semaine qui restait (en théorie) pour revenir à la maison par les mythiques États-Unis. Comme la France, les États Unis me fascinent complètement, et à chaque fois que je visite je découvre des myriades de paysages nouveaux et d’atmosphères différentes. Après mes déboires à la frontières (le douanier a trouvé mon histoire un peu trop alternative) j’étais donc tout d’un coup dans l’état de Washington, à seulement une heure de Seattle. J’ai passé deux heures dans cette ville à me promener un tout petit peu du Chinatown au marché public en admirant la diversité frappante des quartiers et la vue irréelle du Mount Baker peinte een très gros sur l’horison bleu. J’ai dormi quelque part, et j’ai repris la route au tout petit matin alors que la brume était encore couchée, à destination de la côte Oregonienne, et, enfin! Portland, OR.
Voici ce magnifique matin doré:
J’étais ravie de voir l’océan derrière ces étendues infinies de sables et de bois mort
des vagues superbes
déjeuner ici
Plages
Je suis tombée par hasard sur Cannon Beach, ce village on ne peut plus charmant à l’atmosphère de pure innocence – plage magnifique, châteaux de sable, saltwater taffy, café glacé délicieux, cerfs volants, barbe à papa, bijoutiers, soleil. J’ai de la difficulté à sortir de là, même si mes copains de Portland attendent mon arrivée.
on amène pitou, minou et enfant
les vagues sont là
Les petites randos fusent sur la route côtière, qui longe une énorme falaise de plusieurs disaines de kilomètres avec des points de vue à tout bout de champ. J’ai de la difficulté à ne pas m’arrêter partout, et je cède à cette petite rando vers la plage à travers une forêt ou filtre une lumière jaune et douce
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La plage se présente enfin derrière d’énormes silhouettes de pins-sentinelles. Je suis sans mots.
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textures
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un ruisseau océanique avec sa pieuvre des bois
Je sors de la voiture en même temps qu’un Portlander, et on pousse tous les deux un soupir de je me peux plus. C’est trop beau, et en plus il parait qu’on n’y voit que la brume, d’habitude. Moi, c’est mon quinzième jour absolument radieux.
Partout, partout, c’est beau et dreamy
cerfs volants
Je suis très en retard
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J’arrive à Portland, encore une fois chez des amis que j’ai rencontré à Vargas, juste avant la tombée de la nuit, et je m’installe dans la chambre d’un des frères dans une merveilleuse maison familiale qui est même munie d’un golden retriever ultra gentil et d’un vélo qui n’attend que moi. Je suis arrivée par temps de canicule, et je passe le lendemain à explorer la ville par une chaleur dépassant les 35C, en vélo.
Je visite des friperies, des restos, des quartiers, mais je sens que j’ai hâte de retrouver la nature. Je reprends la route vers l’est dès le lendemain, et je fais un petit stop à Terrebonne, près de Bend, ou je trouve cet improbable cirque rocheux sorti de nulle part, apparemment un paradis de grimpe
Sec comme tout, avec des arbres mieux comme le monde
Étant seule, j’ai beaucoup de difficulté à gérer le fait que j’ai un temps limité pour faire tout ce que je veux, et je prends plein de petits détours qui me semblent géographiquement incontournables. C’est comme ça que je tombe sur ce paysage multicolore
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plein de vieilles choses du far ouest
et même quelques colonnes basaltiques!
je suis charmée par les ranchs, les champs dorés, les chevaux, les vieux tracteurs, les saloons, tout cet imaginaire
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Les maisons Orégoniennes anciennes sont toutes faites en bois, ou en écailles de bois, et ce village en compte des dizaines de fort anciens exemplaires
Les ranchs. Ça existe donc pour de vrai.
Je m’arrête ici avant la tombée de l’obscurité pour manger une barre de protéines et me dégourdir un peu les jambes
il y a cette scène du jour qui tombe
très poétique
puis, je vois un drôle de nuage noir s’apparentant à une éruption dans le ciel qui est pourtant bleu depuis des jours. Il fait tellement beau et sec que le danger des feux de forêt est extrême, et quand je passe devant ce village, j’y vois un fire camp ou plein d’hommes campent pour aider à éteindre le mastodonte.
d’autres véhicules
Route 26 to infinity and beyond
J’ai dormi dans mon auto cette nuit-là, car j’étais trop incertaine du parc bizarre ou j’étais pour y mettre ma tente. Le lendemain, j’ai émergé dans ce paysage, bu un peu d’eau et avalé une barre de protéines avant de reprendre le volant pour dévorer plus de paysages.
En Idaho, j’avais bien hâte de voir de quoi se chauffent les patates. Je pensais que c’était un état plat ou on mangeait, cultivait et roulait sur des patates. Finalement, c’est un endroit magnifique, avec des champs dorés entourés de montagnes bleues brumeuses, et de la terre volcanique mise en valeur tout particulièrement dans le parc national des Craters of the Moon dont je ne connaissais aucunement l’existence.
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évidemment la plus belle des vues était celle que personne n’allait voir car il fallait marcher un petit dix minutes. Quelle aubaine!
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L’Idaho m’a charmée malgré le fait que j’aie été incapable d’y trouver des patates locales. À l’épicerie, je n’ai trouvé que des tubercules de Washington, et je ne connaissais personne qui pouvait me passer un bon tuyau pour acheter l’or brun national. Oh well.
Routes droites, beaucoup de foin
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Après avoir pris des forces dans une taqueria extrêmement mexicaine comme il semblait y avoir quand même pas mal en Idaho, et pris un gros café de station d’essence, j’ai mis le cap pour le Wyoming et Grand Teton NP. Mon coeur battait très fort quand j’ai enfin aperçu Jackson Hole.
Une trallée de bisons
J’essaie de me convaincre qu’arriver tard a ses avantages sous forme de couchers de soleil
À Yellowstone, juste de l’autre côté du lac immédiatement au nord de mon camping, sévissait un feu de forêt fascinant. Le lendemain il allait devenir incontrôlable, mais ici tout est sous contrôle comme le disaient les nombreuses affiches du parc.
Le spectacle était époustouflant, comme un gigantesque mais parfaitement silencieux lit de braises irradiant des vagues de lumière en flottant sur le lac. Des arbres s’élançaient tantôt en flammes soudaines, parfois s’éteignaient au rythme des bourrasques, et ça sentait agréablement le feu de camp sur lequel tu veux faire griller des guimauves. Me retrouver seule, en silence, devant ce brasier énorme est l’expérience la plus fascinante que j’ai vécu de ce voyage, et j’étais si honorée d’en être si proche. Le lendemain, ils ont fermé le camping ou j’étais, tous les points d’ou on pouvait voir le feu ainsi que toute la moitié sud du parc de Yellowstone, car ce petit numéro a sauté par dessus le lac et la route et sévissait à présent dans les Tetons.
J’avais initialement rêvé de passer la majeure partie de mon séjour au Wyoming dans Yellowstone, mais quelques petites recherches sur Google ce soir là m’ont fait comprendre que les montagnes étaient probablement bien plus merveilleuses dans les Tetons. Il parait que Yellowstone était plutôt un haut lieu de curiosités géothermiques, dont j’ai déjà vécu une spectaculaire manifestation il y a un mois en Islande. Il fallait que je recharge mes batteries de caméra dans une vraie prise électrique, et il y avait longtemps que je n’avais pas mangé un repas humain, alors j’ai décidé de me gâter à l’extrême et d’aller savourer le déjeuner buffet au lodge du parc national aux côtés de cette vue panoramique. Petites saucisses à l’érable et au thym, patates grelot écrasées et herbées cuites au four, omelette sur mesure, mini gaufres couvertes d’un nuage de crème fouettée et de baies de toutes les couleurs, tout y était.
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Lors de ma randonnée, j’ai rencontré une maman et un bébé orignal qui tenaient absolument à emprunter le sentier. Je me rappelais vraiment plus ce qu’il fallait faire en cas d’orignal, alors après leur avoir chanté de l’art interprétatif abstrait pendant une couple de minutes sans effet apparent, j’ai descendu jusque dans le lac pour les laisser continuer leur besogne.
Ces deux potes orignaux qui se reposaient au bord de la rivière ont causé une grande commotion sur le sentier
Les Grands Tetons of America! Je suis émue.
Il faisait très chaud et il y avait beaucoup de monde qui avançait tranquillement pour faire le tour d’un lac au pied de la grosse randonnée ou je me dirigeais, et pour laquelle je n’avais tellement pas le temps que la ranger du parc avait refusé de me donner une carte. La seule autre personne qui courait presque sur le sentier était un gars tatoué en shorts Adidas. J’arrêtais tellement pas de le croiser que j’ai fini par lui parler, et on ne s’est pas quittés pour les prochaines 24 heures. Une personne tellement différente de moi, élevée dans le creux du Bible Belt américain abritant des ultraconservateurs, des militaires, des amérindiens expulsés de leurs terres fertiles environnantes, des gros véhicules, des rednecks, des criminels, bref de quoi donner à un gars ouvert d’esprit un certain désespoir par rapport aux humains. Il ne se doutait pas qu’il était en train de faire une randonnée de presque quarante kilomètres quand on s’est baignés dans ce lac rafraichissant, et heureusement j’avais assez de barres de protéines et d’eau pour nous deux.
Il n’avait jamais monté aussi haut ou fait de sentiers aussi longs, et il découvrait plein de choses alors que je m’époustouflais de ces vues panoramiques grandioses.
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Je suis très contente
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plus
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Si peu cher pour tant de wilderness épique
en témoigne mon tout petit sac à dos.
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textures
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presque rendus au bout
Il m’a dit qu’il n’avait jamais fait de pouce parce qu’il ne voulait pas tomber sur des tueurs en série, et j’ai essayé de lui expliquer que les humains sont en fait des créatures en général gentilles et généreuses. Je lui ai proposé de lui prouver mon point en faisant du pouce pour couvrir les derniers milles qui nous séparaient du stationnement une fois arrivés au bout du sentier, et nous avons eu une super trotte avec un coureur de sentier local dont mon Oklahomien ne voulait plus se séparer. Vive les humains!
Je me serais sûrement laissée tenter par Yellowstone le lendemain même si je n’avais pas du tout le temps pour ça, mais heureusement le parc était fermé à cause de ce feu de forêt fou. J’ai donc poursuivi ma route dans le creux du Wyoming, de surprise en surprise.
Le Wild West comme dans mes rêves les plus fous, des ranchs, des wagon wheels
Ce General Store datait des années 1800, comme le reste du pittoresque village au milieu du désert
Le saloon y était
Les war veterans en Jeep y étaient
La chasse y était
Les chevaux, les énormes pickup, les drapeaux américains
La police western
J’étais tellement émerveillée que j’ai visité le magasin d’occasion qui finançait l’église du village, et j’y ai acheté un magnifique chapeau de cowboy en feutre anglais fait main pour la somme modique de 2.50$. J’ai essayé de continuer mon chemin dans la lumière de fin de journée sans trop m’arrêter, mais je m’arrêtais à tous les kilomètres, fascinée par ces tourelles désertiques
Petit tracteur jaune tout mignon
Chevaux
J’ai pas vu de moutons là mais même ce signe m’a suffi
tous les tournants étaient spectaculaires
L’essence du Wyoming…
Desert Inn motel au milieu de nulle part, accompagné d’une station d’essence ou j’ai pris mon trentième café dégueulasse de bord de route
Après avoir dormi dans un camping municipal désert et gratuit avec de bonnes douches chaudes et une pelouse accueillante, j’ai mis le cap sur le mont Rushmore dans le Dakota du Sud. J’ai fait beaucoup trop de route pour aller à cette destination touristique, mais j’ai pas été déçue
C’est fou ce que les gens font. Pourquoi pas graver des faces gigantesques dans un flanc de montagne.Wow.
Puis, j’ai regardé la carte et j’ai mis le cap sur les Badlands. Bizarrement, j’ai choisi un chemin qui me semblait passer au coeur du Parc National, mais comme je ne m’étais pas informée vraiment, je me suis retrouvée dans une réserve indienne, seule sur une route tantôt asphaltée, tantôt de gravier, dans une ambiance un peu interdite.
Tout était plat et couvert d’herbe jaune, et ces quelques tourelles de sable sortaient du paysage ça et là. C’était complètement silencieux et vide.
La route, bien droite.
des chevaux sans surveillance. Aucune habitation en vue.
Des affiches de la réserve criblées de balles
Le jour tombait à grande vitesse et je ne savais pas du tout ou était le parc national, n’ayant plus de signal téléphonique. En attendant, ça restait fascinant.
un vieux pub abandonné
Un vieux saloon de 1906 qui permettait l’entrées aux indiens Lakota
Il a fermé et rouvert dans un autre bâtiment, qui semblait pas très peoplé non plus
Vieux arbres désertiques
l’énorme champ de tournesols était le seul indice du fait que quelqu’un habitait encore ces terres
Le soleil s’en va, et les oies volent en grand
J’étais en train de tourner un coin de la route en gravier et je n’avais pas vu personne depuis deux heures, mais voila qu’il y a un bouchon de circulation de quatre autos causés par des centaines de bisons sur la route
Tout le monde capote
Ils ne faisaient pas trop grand cas de notre présence, mais j’ai entendu beaucoup d’avertissements de ne pas approcher ces bêtes énormes dans toute la région.
Avec ce petit détour, j’ai frôlé la panne sèche de très près, et je suis sortie du parc national sans jamais y être officiellement entrée pour aller assouvir la soif de mon auto. J’ai vu un petit aperçu de ce qui m’attendait le lendemain, car bien sûr je devais rester ici une autre nuit pour ne pas manquer ce spectacle hallucinant.
J’ai campé dans un champ sur une falaise entre deux tours de cellulaire, je ne savais pas vraiment ou j’étais car j’ai conduit directement dans l’herbe dans l’obscurité totale, et je voyais des orages énormes passer à l’horison. Ça disait même qu’il y avait un avertissement de tornades pour la région. Un peu inquiète, j’ai mangé une cannette de fèves au lard et j’ai fermé l’oeil quelques heures. Avant l’aube, j’ai balancé mon campement dans l’auto et je suis retournée dans le parc national par la porte d’en avant ou j’ai même du payer mon entrée.
Mesdames et messieurs, je vous présente en vrac les photos du matin dans le parc national des Badlands. Il n’y a vraiment rien à dire d’autre que je n’ai pas ou très peu manipulé ces photos, et que la lumière magique a fait toute la job.
J’ai passé tellement d’heures dans ce parc que ma citrouille de Cendrillon était en train de se désintégrer devant mes yeux. J’avais 48 heures pour faire la moitié restante du pays et rentrer chez moi, soit plus de 3,000 km à conduire en solo. La nuit, avec les trains routiers de poids lourds doubles, tout le reste n’était que stations d’essence, un bref saut par Chicago, des cônes de construction, des lumières rouges et jaunes, rouges et jaunes, et de la musique dans le tapis.
Je suis rentrée chez moi à quatre heures du matin, j’ai retrouvé Aude au même endroit devant ma porte ou on s’est dit aurevoir trois semaines et demie plus tôt, et je n’y croyais pas d’avoir fait tout ça en 12,500 km. Tous ces gens, tous ces paysages, le temps parfait, les miracles qui se succèdent, aucune planification, juste surfer sur la vie.