Je profite de cette abondance d’internet qui pourrait bien être la dernière pour des semaines pour relater les énormes émotions des derniers jours. Après une interminable saga de transport, nous sommes enfin arrivés en plein milieu de la Chine, à Xining. Grande ville poussiéreuse pour citer Camille, Xining est presque inconnue des Chinois de l’est qui la considèrent comme un village non digne d’avoir de vraies ressources d’aucune sorte. Sigurd est indigné car ici habite quand même l’équivalent de la moitié de la Norvège, mais bon c’est rien à côté des 18 000 000 de Shanghai ou des 13M de Beijing.
Nous avons appris une chose pendant ce long transfert Melbourne – Singapour – Hong Kong – Guangzhou – Xining : transporter des vélos dans une boîte de 20 kg décorés de 12-13 kg supplémentaires de bagages dans des sacoches qui nous étouffent du chaque côté de la gorge, c’est vraiment chiant. Il est aussi éprouvant d’avoir des besoins spéciaux – tels que trouver un taxi sept places – quand ton seul recours à la communication est soit de parler chinois soit utiliser un langage des signes qui apparemment n’est pas universel pour tous les humains de la planète. Par exemple, le signe de téléphone (pouce et petit doigt) en chinois veut dire “six” : avec exaspération j’essayais de trouver un téléphone mais mes agissements avaient le même effet que de faire un signe de peace à côté de son oreille. Argh!!!!
Nous avons donc fait une escale à Guangzhou, la porte d’entrée vers la Chine depuis Hong Kong, et une mention spéciale doit être accordée à notre CouchSurfer allemand Cornelius qui est, croyez le ou non, hautbois solo dans l’orchestre symphonique de Guangzhou et ressemble à mon image mentale de Beethoven. À ma grande admiration, en deux ans il a réussi à rendre son mandarin assez fluide et il réussit à vivre dans cette énorme ville source de tout le Made In China soutenu uniquement par sa passion pour son emploi. Nous n’avions qu’une journée à passer ensemble mais nous en avons bien profité en ne dormant point, et après un party vraiment incroyable d’expatriés impressionnants de toutes sortes dont la moitié étaient des couples de gars (apparemment plein de bons bars gays a Guangzhou!?), nous avons passé le reste des petites heures du matin à se faire écouter de la musique classique full blast dans son salon, dont la Passion selon St Mathieu de Bach, wow. Ceci est une expérience que je n’ai pas vraiment eue depuis Vincent d’Indy et ça m’a fait un énorme plaisir. Le gars est clairement véhément et fait pour la ville de Berlin (ou il a d’ailleurs habité, à ma plus grande non-surprise, pendant plusieurs années) et j’espère donc qu’il n’aura pas à détester la Chine pendant trop longtemps avant d’obtenir un bon poste en Europe.
Déjà à Guangzhou Sigurd a pris en charge notre bien être car j’étais en overload d’émotions par rapport à notre incapacité à dire, comprendre ou lire quoi que ce soit. Et pas un mot d’anglais! pas hello, pas taxi, pas rien. Comment Chantal et Camille vous avez fait pour habiter au Moyen Orient je sais pas! C’est ce que je voulais, après tous ces voyages en terre connue à cet égard, et je suis en même temps frustrée et fascinée et impatiente de conquérir et triompher sur le Mandarin, même si je sais que c’est impossible, du haut de mes trente mots du moment. J’aime bien la logique du Chinois, et la manière de composer des mots-pictogrammes à partir de d’autres mots – par exemple le pictogramme pour “homme” est “force” + “champ”, mais c’est une langue tonale sans alphabet qui me semble vraiment l’Éverest linguistique. On verra comment ça va.
À partir de Guangzhou nous avons pris un train de 30 heures vers le nord. Nous sommes arrivés à la station deux heures d’avance par une pluie torrentielle qui a dissout nos boîtes au point ou le vélo de Sigurd se pointait la moitié des deux roues par le dessous tombant en miettes. On a lu sur des forums que les vélos étaient habituellement envoyés en fret sur un autre train et que nous devions les enregistrer quelque part, et personne dans la station comprenait ce qu’on voulait dire, regardaient nos boîtes et riaient et on s’est résignés à espérer le meilleur en attendant le train. Nous avons pu mettre nos boîtes entre deux wagons sans problèmes majeurs, et tous les gens de notre wagon nous ont gentiment adoptés et tout le monde connaissait notre histoire de bouche à oreille et nous souriait et nous encourageait et nous donnait des fruits ou des biscuits. Le train était vraiment social – les gens se visitaient dans les différents compartiments et tout était très respectueux et harmonieux. Et tout le monde mangeait sans interruption des nouilles Ramen.
Nous voici avec une fille toute douce et sucrée qui partageait notre compartiment et qui parlait un peu anglais, qui est sortie avec nous pour prendre une photo avec nous.
Photo qui illustre bien ce qui se passe quand on est blanc avec une grosse boîte – soit aide soit curiosité non-dissimulée. Notez aussi l’état pitoyable du réceptacle!
Donc finalement arrivés à Xining, je suis évidemment tombée malade, ce qui a remis notre départ à aujourd’hui ou à demain même. Je fais des cauchemars de quand on a la grippe, qui résultent non seulement de l’atmosphère chinoise mais de ma récente lecture de Pride and Prejudice. Dans un des rêves j’essayais de réconcilier plusieurs mariages de familles de différents rangs et provenances etc, et dans un autre rêve je devais absolument déchiffrer un labyrinthe interminable de signes chinois qui menait nulle part, et le troisième rêve culminait en l’arrangement de mariages en chinois, pour une nuit pleine d’agrément. Il semble que notre projet est un peu fou à cause de notre inexpérience générale conjuguée à l’état des routes, l’isolation, l’altitude (des montées de 1000 m monnaie courante) et l’impossibilité de savoir si les villes ou on va seront fermées (nous n’allons pas au Tibet mais très près de la frontière, et ce juillet est le 90e anniversaire de la “libération” du Tibet, alors ils ferment plein d’endroits susceptibles de couver des émeutes). Nous avons donc plus d’optimisme que de confiance mais nous espérons que tout va bien aller et nous avons hâte de partir dès que je me sens mieux.
Voici la route de 3300 km que nous espérons pouvoir prendre en Chine, possible seulement si aucun des endroits n’est fermé aux étrangers et si nous pouvons trouver des endroits pour renouveler notre visa de trente jours. Donc le tout une entreprise qui laisse beaucoup à la bonne fortune :)
Voilà donc l’état des choses, sinon nous sommes très satisfaits des festins fantastiques qu’on mange ici pour une somme de 2-3$ et nous voyons qu’il est possible de vivre pour 5-6$ par jour sans trop de problèmes. À la conquête des contrées tibétaines!!!
Ça a l’air sympa la Chine, moi j’y resterais surtout que la vie n’y est pas chère.
Manu the blog invader !
Je profite de mon passage pour laisser un commentaire j’aime bien lire tes billets!
Bon courage pour le trip à vélo!
du haut de nos trois jours a velo jusqua date : c’est l’endroit le plus epoustouflant que j’aie jamais visite! :) j’espere pouvoir m’exprimer longuement la dessus dans le prochain carnet, mais ouais, wow! c’est un plaisir de se faire invader :)
Oh oh la difficulté pour communiquer, ca me rappelle des trucs !!!!!!!!!!!
la traversée de l’Amdo aussi, magnifique, je suis avec vous par le coeur dans cette contrée incroyable !!
attention aux chiens des bergers tibétains, jamais vu des monstres pareils, j’te jure !! vaut mieux toujours avoir quelques pierres dans les poches au cas ou : )