Quelle aventure! Les huit jours passés sur la route jusqu’à maintenant ont été pleins de découverte et j’ai l’impression de vivre un voyage dans tout le sens du terme, comme jamais auparavant.
Ce soir c’est l’hôtel de luxe à 15$ la chambre (contre le 7$ habituel) et la relaxation car demain j’ai convaincu Sigurd d’avoir congé. JOIE!!! On n’y est pas allés de main morte pour notre initiation cycliste 2011. Mes fesses ont grandement besoin de reprendre “leur souffle” dans leur bataille contre ma trop nouvelle selle en cuir, mes menus muscles vont profiter d’une journée passive, mon corps n’a pas vraiment eu la chance de se rétablir de la grippe du départ dont je traine encore des restants et il faut s’acclimater à la vie à 4000+ mètres d’altitude ; on a pas vraiment suivi la recette de “ascend slowly, avoid exertion”, et j’ai un mal de tête et le souffle bien court!!!
Mais nous voilà déjà un bout de chemin plus loin, un peu incrédules d’avoir réussi jusque là. Nous avons laissé Xining très anxieux sur nos nouvelles pédales, bravant nerveusement le chaos et la poussière de l’autoroute qui devait se déverser finalement sur le plateau Tibétain. Devant nous le parfaît inconnu souligné par notre sentiment d’insondable inexpérience. Culturellement encore verts, nous devenions tout raides et blêmes à chaque camion qui nous dépassait dans un vacarme monstre de moteur, de charge douteusement attachée et de puissant klaxon. Nous interprétions instinctivement chaque coup de tuba céleste comme une incitative à nous préparer à une mort inéxorable, alors qu’en réalité ce n’est qu’une gentille salutation et un avertissement pour un dépassement tout à fait respectueux. Nos amis les camions! Presque la totalité du trafic sur les routes d’ici, ils semblent nous comprendre dans notre commun effort pendant les longues montées, se laissent gentiment dépasser pendant les longues descentes, nous laissent plein de place en passant et souvent nous saluent et nous encouragent d’une fenêtre ouverte ou par un petit “pout pout”.
La journée typique est donc de se lever (mais non point se laver), remettre le contenu du plancher, de la table et des lits dans les 4 sacoches, oublier ce qu’on a mis dans chaque sacoche, manger une bonne soupe aux nouilles et boeuf vraiment épicée au restaurant d’en face (1$) tout en se faisant regarder extrêmement car nos vélos sont juste dehors, puis attaquer la montée du jour. Le deuxième jour on avait 1800 mètres, le suivant 900, un autre 1500, bref c’est un peu moins de 1000 mètres par jour en moyenne et qui l’eut cru – c’est possible! Merci, douce asphalte de Qinghai et gentils gradients! Presque à toutes les fois, chaque longue grimpe a été largement recompensée par une magnifique descente, si le vent et l’asphalte le permettent. Voilà qui ajoute du piquant à notre journée – le vent – hier nous avons eu à monter 600 mètres sur 20 km avec un genre d’ouragan dans notre face ; il semblait en plus s’adapter à notre trajet! Sinon il souffle de travers en nous emportant par nos sacoches, ou il nous donne des ailes en nous poussant silencieusement, bien que trop rarement. Souvent la pluie, parfois le beau temps, et il fait très froid malgré l’été. Le tout accompagné de Rammstein, Woody Guthrie ou Mahler au hasard ce qui fait parfois de drôles de combinaisons. (entendu hier de W. Guthrie : you can sell a woman anything if you tell her that it’s a hat. hein les ladies du mariage royal?) À toutes les heures je gémis et stationne Sigurd pour une pause “douleur des fesses” et on en profite pour manger des super bons snacks plein de sucre qu’on achète pour des prix ridicules quand on peut.En moyenne 70km plus tard et après avoir observé plein de belle grande nature déserte et souvent montagneuse parsemée de camps de nomades, de yaks et de petits chinchillas vraiment cutes, nous arrivons à une destination. Notre arrivée ne passe jamais inaperçue – habituellement tout le monde arrête de faire leur tâche ou leur conversation et tourne vers nous des têtes ébahies. Les plus doués en anglais nous crient Hello, les autres se contentent de nous suivre du regard ou à carrement nous suivre jusqu’à ce qu’on arrive à un arrêt complet dans la nécessité de nous trouver un hôtel. C’est alors qu’il se forme une gang autour de nous et on examine avec authorité nos vélos, vérifie nos pneus (?) et touche à notre guidon. Il semble être incroyable pour tous qu’on ne voyage pas au moins en moto et nous devons être vraiment de pauvres blancs pour devoir se transporter comme ça, mais tout le monde est très fier de nous et nous encourage. Nous en profitons pour formuler “voulez vous nous recommander un hôtel pas cher?”, et voilà qu’on nous sert un regard absent et qu’on rit de notre “chinois” et nous sommes pas plus avancés. Une fois l’hôtel trouvé et le prix durement négocié nous vômissons le contenu des 2×4 sacoches sur les meubles et le plancher, nous dégageons de la désagréable emprise de nos shorts de vélo et allons au restaurant ou encore une fois nous devenons instantanément comme une TV et tout le monde nous encourage et rit de nous. Nous lisons le menu à l’aide de nos repères personnels dont voici la totalité:
- commode à deux portes et trois tiroirs : nouilles
- zèbre qui court après l’herbe : soupe
- genre d’oiseau : poulet
- créature-trépied de War of the Worlds avec gugus à côté : épicé
- croix : patates
- éclairs de tonnerre : quelque chose en julienne
- Pi à moitié dans une boite à double fond : yogourt
- trois barres avec des oreilles : agneau
Pas besoin de vous dire que des fois ça marche pas ben ben pis on se retrouve, comme aujourd’hui, avec une soucoupe de chou cru mariné dans du chili pour souper!!! Sinon, notre vocabulaire nous permet très peu de variété, mais tout est vraiment bon, vraiment épicé et vraiment pas cher : rarement on paie un plat plus de 3$. On commence par contre à s’habituer aux prix : hier Sigurd, méfiant et amer, m’a demandé si on se fait arnaquer avec ce prix de 70c pour ce joli jaune melon. Euh, non.
J’adore découvrir les villages et les petites villes ou on s’arrête – certainement aucun n’a fait l’objet d’un Lonely Planet et nous avons l’impression d’être plongés au coeur de la Chine rurale dans un mélange incroyable de peuples. Ici cohabitent les chinois “normaux”, les musulmans, les tibétains, et une vingtaine d’autres obscures sortes de gens. Certains endroits ne sont qu’une poussièreuse rue ou se ravitaillent les camions, certains de jolis bleds ou tout le monde se connaît, certains ou il se passe plein de choses à tout moment, et nous ne nous serions probablement arrêtés à aucun si nous n’étions pas à vélo. Comparé à l’Amérique du Sud, par exemple, on se sent aussi vraiment en sécurité, ce qui est libérateur. Nous n’avons jamais l’impression d’être en danger, de se faire regarder comme un signe de piasse ou d’être sur le point de se faire voler quelque chose : les gens sont ouvertement curieux mais respectueux et généreux – on s’est fait donner plein de petites choses en chemin et on n’a pas souvent l’impression qu’on nous demande de payer plus que le prix local.
Les vélos vont relativement bien, quoiqu’on a du travail à faire demain – pour moi le mystérieux ajustement de la transmission. :(
Voici donc sans plus attendre quelques photos des derniers jours:
Sigurd attend patiemment alors que j’essaie de trouver un refuge toilette – comme vous voyez c’est un peu trop dégagé
enfin une petite descente de l’autre côté d’un col
J’ai trouvé un refuge pipi et il s’agit maintenant d’essayer de me débarasser de mes vêtements compliqués qui m’empêchent de faire les choses facilement
Exemple de ce qui se passe lorsqu’on s’arrête – même si c’est au milieu de nulle part avec personne autour, un véhicule arrivera, stationnera et crachera un tas de gens qui autour de nous s’agglomérera
Une desdites pauses fesses au milieu d’une montée. Voyez la belle asphalte et les beaux camions
à l’heure du déjeuner avec les patrons du resto
malgré l’heure matinale Sigurd brave les kilos de chili deversés dans sa soupe
1$ est le prix du bien
Étrangement je suis la seule fille dans le restaurant. Tout le monde fume, boit du thé et slurpe de la soupe.
Sigurd s’applique à apprendre le chinois
Arrivée à un village poussiéreux : voyez la très joyeuse décoration de la montagne derrière
Arrivés à un des cols après vraiment longtemps et avec un vent de fou (voyez les drapeaux)
He oui, 4499 mètres. J’ai vraiment mal à la tête à chaque coup de pédale – monter 1500 mètres d’un coup c’est rough. J’exemplifie ici la coutume de lancer un paquet de petits papiers multicolores avec des prières dessus lorsqu’on arrive à une haute montagne ou un col ou il y a plein de drapeaux de prière. Nous avons vu plusieurs voitures s’arrêter pour payer leur louange aux cieux de cette manière.
Un campement! c’est à refaire
Nous passions par ce village qui semblait complètement désert – nous avons demandé à une femme dans une des maisons si il y avait une place pour dormir, elle ne comprît rien, et voici de quoi avait l’air la rue cinq minutes plus tard
petit arrêt lunch
joli!
ma beauté bleue
la rivière Jaune je pense?
Les motocyclistes nous saluent toujours tout en se mettant en danger en girant leur tête à 180 degrés.
Une fantastique descente en têtes d’épingle et ensuite une bonne demi heure à admirer le paysage à 35 kmh sans un seul coup de pédale.
Col, vent, pluie
bis
bis
Arrivés au Lac Qinghai, le plus grand de chine et le 2e plus grand lac salé au monde, nous pouvions voir plein de cyclistes chinois vraiment intense équipés (comme vous pouvez voir) faire un tour du lac assisté (avec des étapes, sans bagages, avec tous les hôtels et repas inclus). Ils n’étaient pas très performants à la fin mais nous faisions vraiment fureur parmi eux. Tout le monde voulait prendre des photos.
Jour deux!
Sigurd mange le déjeuner : les restants froids d’hier dans un petit sac en plastique. Chambre d’hôtel à 10$. (omg alors que j’écris ça une chanson traditionnelle russe traduite en chinois joue à la radio. Ce n’est pas la première fois que ça arrive! bizarre, le pouvoir du communisme)
Sigurd essaie de demander des instructions. Le dude à droite est suspicieux.
Passons maintenant aux photos de la réflex : ici, la nuit dans un super joli village; une petite boutique reste ouverte en face de notre hôtel
au sommet de la montée du jour : derrière moi on peut voir un bout de la route.
retour à 4499 m
des roadtrippers en jeep sponsorisée nous ont arrêtés, ont pris plein de photos de nous et nous ont donné de l’eau, du Nescafé, une carte et un chapeau de cowboy!!!
le dernier kilomètre vers la destination du jour!!! yess
moi (je viens de remarquer que mon casque match mes gants!)
à Gonghe, une ville un peu plus grande qu’un gros village, nous nous sommes régalés d’exotisme. Voici nos trouvailles
un pickup plein d’ail
zipper camp
un jeu que je connais pas attire les foules.
vu qu’il y a ce légume dans tout repas, il fait du sens de le vendre ainsi dans la rue
le jeu est partout dans la rue à tous les après midi
tout le monde a une moto de même! décorée souvent avec plus de gogosses
la jolie ville!
cordonnière
la madame qui vendait des bananes à Sigurd a bien eu du mal à s’expliquer
veux tu ces dix kilos de bananes???
non, non, moins de bananes, moins, petit, whow
Sigurd la main raide et armé d’un pogo achète du pain à une mystérieuse Han chinoise
la vendeuse de pogos!
les vélos à pain
notre (énorme!) chambre d’hôtel à 5$. Dans les hôtels on te donne toujours un gros thermos d’eau bouillante pour que tu n’aies pas à interrompre la constante consommation de thé qui se passe ici.
une nice descente
arrivé en haut c’est comme en ski, manger un biscuit, boire de l’eau, reprendre son souffle, vite mettre plus de vêtements, vite commencer la descente
à l’époque ou nous étions encore impressionnés par 3740 mètres.
un joli cheval près du lac Qinghai!
“Portez le casque!” – Scruffy. (À la radio en ce moment : l’Internationale chinoise version heavy metal. Tout le personnel de l’hôtel chante aussi)
Lac Qinghai
Yak
Joli âne décoré
Une dame sort de sa boutique avec son petit enfant pour lui montrer de quoi ont l’air des touristes. Clairement une vision très rare ici!
Voilà.
Au programme, si tout va bien, une autre semaine jusqu’à Yushu et ensuite vers Sichuan, la contrée de la mauvaise asphalte et des cols de 5000 mètres, entourés de sommets enneigés et de gentils tibétains. Excitant!
Très belle première semaine, pleine de promesses pour la suite.
Bonne continuation.
Le poney, c’est les renes qui sont fixees derriere la selle? C’est vachement desagreable pour lui: ils aiment allonger leur encolure.
564 km a velo seulement? Non, je plaisante… Une de mes collegues a recemment pris part a un ‘Race for Life’ evenement pour recolter des fonds pour une oeuvre caritative. Elle a marche 5km en 1 heure 40 (sur de l’asphalte, en ville, et sans aucun denivele!). Elle fait 120 kilos pour 1m60 (a 30 ans – regime biere/fast food), donc c’etait quand meme un challenge. Mais maintenant elle n’arrete pas de parler de son ‘exploit’ (les organisateurs lui ont donne 1 medaille) et essaie de taxer tout le monde au boulot: j’ai marche 5km, donnez-moi de l’argent! J’ai eu tres peur d’avoir un cancer (pas ‘mortel’, mais bon, je me serais retrouvee tres endettee apres le traitement et j’aurais ete licenciee pour ‘faute grave’ – boite australienne) pendant pres d’1 an, et cette bonne femme n’arretait pas de m’enfoncer en me disant que j’allais mourir donc le mieux c’etait de demissionner et de partir en voyage avant de retourner mourir en France etc.
J’adore tes descriptions des ideogrammes!
Allo, je suis un ami de Dominique Pagé et je suis votre périple par un lien qu’il m’a fait suivre et je suis content de voir que votre voyage se passe bien! Beau texte de narration et de très belles photos! C’est vraiment le fun, alors même si on ne se connait pas je vous souhaite un excellent trip! Salut
hee oui je viens d’avoir ces magnifiques nouvelles, vous allez vous régaler! je serai aussi peut être dans le coin l’an prochain et j’adorerais vous retrouver, comme je disais à Dominic. Un an à attendre, c’est long! :D a plus tard j’espère!