5300 km : Laos Love

Après avoir laissé Reto il ne nous restait donc que quelques interminables jours au Vietnam, que nous avons  occupés à nous rendre vers la frontière désirée assez loin au sud.

Deux jours sous la pluie et le brouillard ont passé à tenter notre bonne fortune à Sapa, qui devait être spectaculaire par beau temps mais bon. Ensuite nous avons entrepris le long transit en train, cap plein sud  – une première nuit vers Hanoi enchaînée d’une deuxième vers Vinh sur la côte est du Vietnam. De là nous avions quelques centaines de kilomètres à faire vers l’ouest pour rejoindre la paradisiaque frontière.

Cette semaine est la seule de tout le voyage que j’ai laissée en blanc dans mon petit calendrier qui me sert de carnet de bord – il faut croire que j’étais vraiment blasée.

Quelques mentions spéciales par contre, en commençant par le tronc de cet arbre, qui, en plus d’être couvert d’épines meurtrières, était connecté.

 

Puis, Sigurd qui demande si cette huile d’arachide était bien de la bière locale

 

 

Le temps des récoltes a transformé les patios et la route en terrains de séchage de riz et de paille

 

 

bis

 

 

C’est un garçon! Art trouvé dans un restaurant.

 

 

Nous avons ajouté à notre liste d’expériences une arrivée de nuit avec très peu de jus dans nos lampes. 17h45, notre course désespérée contre le soleil est perdue, le crépuscule nous couvre de denses nuages de tout petits insectes qui s’infiltraient dans notre bouche, nos yeux, nos oreilles et nos vêtements pendant que les enfants rentraient à la maison pour un bon repas et un bon lit. Puis l’obscurité est tombée comme une hache, transformant notre univers en infinie caverne. Le paysage disparait et nous devons deviner la route. Le relief nous surprend, les virages cachent d’incessants ombres et fantômes, le temps s’arrête et la noirceur totale s’anime d’un vacarme assourdissant de grenouilles, grillons et autres insectes. Ça doit être comme ça la vie au fond de l’océan – des créatures dans l’obscurité. Nous arrivons finalement vers 19h30 après ce qui nous semble être toute une nuit et achetons pour dîner un petit sac de chips, soulagés de nous enfermer dans notre chambre.

Le matin, après cinq minutes au café internet d’en face, je trouve un garçon étendu sur la route, sous sa tête une petite flaque de sang noir. Il était immobile, et près de lui la dame en scooter qui venait de le renverser était en train de se relever. Ça s’est passé probablement il y a quelques minutes déjà, mais seulement quelques spectateurs étaient en train de discuter sur le trottoir, le reste de la rue continuant à vaquer à leurs affaires et le trafic d’autobus, de motos et de camions contournant légèrement le corps sans trop ralentir, avec parfois un petit coup de klaxon. Les choses ont continué ainsi une bonne demi-heure, comme si une simple roche était au milieu de la rue, jusqu’à ce qu’un camion de police ramasse le corps et voilà. On a rincé la flaque de sang avec un seau d’eau et c’est le temps de continuer sa journée. Inutile de dire que j’en ai gardé un étrange sentiment.

Le tout dernier village vietnamien était sur une grande rivière et tout le monde était sans électricité pour une raison quelconque. Ma tête étant libre de mijoter à souhait pendant tous ces jours de déceptions diverses et de blase autant par rapport au Vietnam qu’au reste de ma vie, j’ai passé la soirée à écrire plein de chansons à la frontale.

Nous nous sommes rendus compte que nous n’avions pas assez de comptant pour payer notre visa Laotien, et étions déçus de ne trouver aucune machine bancaire dans le village, ce qui a obligé Sigurd de payer 15$ pour se faire transporter à l’arrière d’un scooter dans le village précédent. Sigurd a heureusement survécu au trajet, pendant que j’essayais de nettoyer son vélo dans la douche. Le boyau de douche m’est soudainement resté dans la main, laissant le tuyau cracher un puissant jet d’eau partout sur le toit et sur moi, inarrêtable. Après m’être battue contre cette bête pendant au moins une demi-heure, détrempée et stressée, j’ai fini par envelopper le trou avec une serviette pour que la fuite soit plus douce – après tout un travail de plomberie bien typique dans ce coin du monde.

Quand le proprio de l’hôtel – qui avait une ressemblance incroyable avec Jabba the Hut – a voulu nous charger 10$ de plus pour les deux heures que j’ai passées dans la chambre à attendre Sigurd, on a pété notre coche et on est juste partis en maugréant.

La montée vers la frontière s’est faite dans le brouilard, mais quelques minutes de clarté nous ont bénies de cette vue :

 

 

Au poste frontalier, qui n’était qu’un bâtiment à l’air innofensif, nous avons voulu échanger nos dongs pour des kips, mais on nous proposait chez le Laos un taux de change avec une commission de plus de 20%. Après une bonne demi-heure de discussions diverses et de démonstrations du taux officiel sur une app XE de mon iPod, on nous a renvoyé tenter notre chance chez les Vietnamiens, qui ont proposé 35% de commission et pas un de moins, l’air complètement blasé. Deux heures plus tard, la nuit tombait, on refusait de payer le 20$ de plus et on a prié un autre gentil gendarme Laotien qui parlait un peu anglais de nous aider s’il vous plaît. Bienveillant, il fait un coup de fil et quelques minutes plus tard une dame toute maquillée, en mini jupe et talons aiguilles, apparaît dans un nuage de parfum, une sacoche à la main. Elle grimpe avec Sigurd un petit sentier de terre escarpé vers sa cabane, ou elle ouvre son tiroir de cuisine et lui change tout notre argent pour moins de 2$ et nous sommes libres enfin, fiers d’avoir gagné au moins notre dernière bataille ici. Adios!

 

 

Notre arrivée au Laos était donc complètement nocturne – on avait quinze très vallonneux kilomètres à faire au clair de la lune avant d’arriver au premier village. Cette fois, une lune bien pleine éclairait notre chemin – une belle route, des montagnes, de petites cabanes d’ou s’échappait une odeur de feu de bois mais aucune lumière. On entend quelqu’un nous crier Sabaidee – le merveilleux bonjour laotien – de l’obscurité. C’était assez merveilleux, et nous avons trouvé notre village juste à la fin de l’heure du dîner. Un jeune est venu nous parler gentiment et avec grand enthousiasme pour pratiquer son anglais, puis nous nous sommes jetés sur notre repas trouvé sur le champ. Un menu bilingue, plein de plats alléchants – on choisit des légumes et du riz collant à manger avec les mains, qui nous arrive dans ce beau petit panier tissé. Apprentissage d’urgence de nos premiers mots en laotiens avec notre petit guide LP pendant que les premières gorgées de la délicieuse et bien froide Beerlao nous coulent dans les gorges. Exquis!

 

 

nous trouvons dans notre chambre des idées de ce qu’on aurait pu vouloir faire avec un évier si on était un peu plus créatifs

 

 

Le lendemain nous entamons nos premiers vrais kilomètres : les autos sont rares, le klaxonnage ne se fait pas entendre, il y a partout de vertes montagnes et d’énormes papillons de toutes les couleurs virevoltent autour de nous. Nous passons plein de villages avec, sous chaque maison en bamboo, un métier à tisser. Toutes les femmes ici portent un paréo en laine, coton ou soie, et apparemment tous sont tissés à la main. La vaisselle est tissée, les maisons sont tissées, les paniers sont tissés aussi.

 

Il se produit aussi la redisparition partielle de l’alphabet latin. Alors qu’en Chine on pouvait identifier les symboles par leur forme, ici hm c’est guedi, guedi, guedi. Exemple – ce billet de banque cryptique. 9 ou 10 mille? des guedis.

Nous sommes entrés au Laos dans la province de Xieng Khouang, sans avoir aucune idée de ce qui s’est passé ici il y a quarante ans. Nous trouvons, incrédules, ce cendrier à la porte de notre hôtel.

 

 

Nous commençons à fouiller dans Wikipédia et découvrons que le Laos, et en particulier cette province ou se cachait dans des cavernes le leader du mouvement communiste Laotien, s’est fait prendre dans le courant pendant la guerre du Vietnam. Le pays fut victime d’une guerre secrète menée par les USA, en violation flagrante de la convention de Genève. C’est alors que 260 000 000 de bombes ont été lâchées sur le Laos (très particulièrement sur Xieng Khouang), incluant des millions de bombes antipersonnel, ce qui correspond à une bombe à toutes les 8 minutes, 24 h par jour, pendant neuf ans. Le pire est que 80 000 000 de toutes ces munitions n’ont pas explosé immédiatement; plusieurs centaines de personnes, surtout des enfants, meurent ou sont défigurés encore aujourd’hui en découvrant par accident dans les champs et les forêts ces petites boules jaunes qui ont parfaîtement l’air d’une orange. Des ONG s’occupent en ce moment de la longue tâche de trouver et détonner ces armes, mais la tâche est interminable, et le nord du Laos reste un endroit à explorer en prenant soin de ne surtout pas quitter le pavé.

Hôtels, cafés, restos, maisons – les vieilles bombes sont partout. Notre balcon abritait un tas désorganisé de vieilles mitraillettes, casques, diverses grenades et coquilles de bombes, et on voyait des cendriers, pots à fleurs, cloches et divers objets faits en bombe à tous les coins. Du bon métal, apparemment.

Ces affiches pour prévenir la population contre les munitions non-explosées sont conjuguées à des campagnes intensive de sensibilisation dans les écoles.

Fascinant, troublant. Nous restons deux jours à Phonsavan dans un petit hôtel avec une gentille dame qui s’occupait de nous sourire et de nous apporter notre eau chaude comme une maman. Tellement de restos en ville avec de la nourriture succulente – du Pad Lao, du riz frit, des rouleaux printaniers, de délicieuses salades, des jus de fruits, à toute heure du jour, avec de beaux bonjours et des sourires chaleureux.

 

 

Toute jolie maison en bambou avec plein de bambou en arrière plan

 

 

Puis, nous avons découvert qu’il y avait aussi non loin de Phonsavan un site préhistorique qui s’appelait la Plaine des Jarres. Partout dans la région on trouve d’énormes jarres qu’on pense funéraires et qui datent d’une couple de milliers d’années. Mystique merveilleux. Génial d’y aller à vélo.

 

 

 

 

des jarres

 

 

tristesse de jarre

 

 

jarre fashion

 

 

première communion jarre

 

 

jarre rêve de futurs exploits et d’amitiés perdues

 

 

ici jarre

 

Radio Canada jarre

 

 

jarre de loin

 

 

Paysage trop cute

 

 

Laotienne surveillant l’horison (on peut voir ledit paréo traditionnel)

 

 

pêche

 

 

 

 

cabane fantastique

 

 

bis

 

 

Autre endroit avec des jarres ou on était seuls et ou on a fait un buccolique piquenique

 

 

la nature reprend

 

 

 

 

si beau

 

 

Voilà pour les jarres. Le lendemain – autre belle journée que j’entreprends avec enthousiasme et mes petits bagages.

 

 

Nous arrêtons dans un tout petit village d’une disaine de cabanes en bambou, ou il n’y a qu’un seul endroit pour les visiteurs – cette toute petite maison au bord d’un lac qui rappelle le camp de vacances.

 

 

et à Sigurd, son chalet

 

 

nous trouvons, au bout d’une route en gravier, deux cavernes, dont l’une avec un grand Buddha

 

 

joli et mystérieux

 

 

 

 

 

 

et l’autre, plus morbide, un refuge qui faisait office d’hôpital dans le temps de la guerre. Un sentiment bizarre quand on réalise, après trop longtemps, que ces petites roches qui jonchent le sol sont de vieilles ampoules de morphine. Des centaines. Des milliers.

 

 

 

 

ambiance vide, comme si on avait tout laissé là juste hier.

 

 

innombrables maisons tissées. Malgré la pauvreté flagrante de ce pays, nous avons quand même écouté avec horreur des touristes finnois à Phonsavanh raconter à deux hommes locaux à quel point tout était tellement ridiculement pas cher au Laos qu’ils pouvaient juste acheter n’importe quoi – à la maison tout coûte trente fois plus cher, bla bla. Ils ont même eu l’incroyable indélicatesse de se plaindre du mauvais standard de certains hôtels à Hanoi, qui avaient apparemment de la peinture craquelée et une toilette qui marchait mal malgré leur prix à 15$. Indignés et complètement innocents, ils ont cherché ainsi la sympathie des gens qui habitent dans des trucs comme ça ou on voit à travers les murs. Et ou il faut changer tout le mur après quelques mois parce qu’il a pourri et a été bouffé par les cochons. On a eu très honte.

 

 

exemple de beau paysage

 

 

tout le monde dans les villages nous sourie et les enfants nous saluent, hystériques, de trop cutes Sabaideeeee

 

 

 

 

il est normal à cet âge de s’occuper avec un énorme coutelas

 

 

Sigurd achète un peu de Nescafé

 

 

village

 

 

 

 

il faut quand même pas sacrifier la TV câble

 

 

Shit is bananas, B, A N, A N, A N! Moi qui pensais que Gwen était folle.

 

 

 

village

 

arrivés, au bout d’une longue montée, à un point de vue avec des touristes Thai qui sont hystériques d’apprendre notre trajet et posent tous dans des photos avec nous. On en profite pour demander une pose commune. L’endroit est magnifique.

 

 

Descente monstre de 30 km, montagnes, route de soie – le rêve

 

 

chilis de mise aussi ici

 

 

habitat

 

 

belle rivière…

 

 

 

joie infinie

 

 

beau temps beau riz

 

 

 

 

pour lunch, des pamplemousses géants

 

 

 

 

 

pas mal

 

la reine

 

 

notre descente

 

 

bled

 

 

biker boy

 

 

autre tentative

 

 

 

 

karst karst karst

 

 

avec ecoliers inclus, tous se mettent en file pour un high five, je me sens comme Lance Armstrong en train de finir le Tour de France. Tous les enfants du Laos sont morts de joie à la suite d’un high five, et personne n’a jusqu’ici préalablement craché dans sa paume. Merci! Cutes petits enfants du Laos je fonds devant tant d’adorable.

 

 

Cabanes de siesta. À midi on y mange, à une heure on y dort.

 

 

près de Vang Vieng

 

 

 

 

beauté

 

 

hallucinante tranche de roche!

 

 

un peu de descente pour la fin

 

 

 

à Vang Vieng on s’arrête immédiatement dès que j’aperçois, en criant d’extase, le Chantala guesthouse. Chantala! on prend la chambre.

 

 

Vang Vieng s’avère être un endroit vraiment détestable car un arrêt monumental sur la gringo trail de l’Asie du Sud est. En arrivant, on est d’abord choqués jusqu’aux os de voir des filles saoules se promener dans la rue en bikini. Après quatre mois en Asie on a jamais vu autant de peau, pourtant les bonnes dames en paréo de laine continuaient à être gentilles. C’est sex drugs and rock and roll, et les menus des restaurants ont une page drogue – cannabis, opium, champignons sur pizza, shake ou thé. C’est normal! Ce qui est plus choquant encore, c’est qu’avec toute cette drogue et alcool des centaines de jeunes Australiens et autres fêtards descendent 5 km de rapides dans des tubes de tracteurs (avec des accidents réguliers évidemment) avant de s’engouffrer dans un disco boum boum pour terminer la nuit. Alors que j’étais sur internet à 2 am en train de jaser à Hannah des hordes hurlantes passaient, dont une fille qui accusait son compagnon de l’avoir traîtée crudement et sans préliminaires comme si elle n’était un objet sexuel alors qu’elle était digne de respect et une autre qui savait pas ou elle était ni ou elle habitait et qui avait perdu ses souliers et son porte feuille. En tout cas.  C’est drôle d’être con entre amis, mais au coeur du Laos en plein parmi ces humbles gens le tout nous semblait incroyablement mal placé. Voici une affiche qui prouve la décadence.

 

 

 

le lendemain on retrouve la tranquilité absolue

 

 

un village sur l’eau

des enfants jouent dans la rivière

 

 

et le temple revient dans notre vie

 

 

comme vous voyez je suis de retour à un état de béatitude et de joie infinie – le Laos est, heureusement, tout ce que le Vietnam n’est pas, et tout ce qu’on espérait. Un pays si beau ou on relaxe complètement, c’est tranquille et serein, c’est montagneux et distant, c’est souriant, c’est délicieux. Le wanderlust revient, la blase fond comme neige au soleil.

Avec nous en ce moment Torbjorn venu directement de Oslo pour nous visiter, et nous l’avons évidemment obligé à trainer un vélo. On est tous très heureux – mais plus là dessus la prochaine fois!

 

 

8 Comments

  1. Flott å se på bildene og lese om opplevelsene ! Gleder meg veldig til å møte dere og klemme dere igjen!

  2. tres belles photos region que j’aime bien aussi vang vieng j’ai une maison a ban namone village a 14 kms avant vang vieng et a environ 100 kms de vientiane

    mon blog laosfrance.blogspot.com

  3. J’ai souvent eu du beau temps lors de mes voyages en Norvège, souvent cramé par le soleil des Lofoten ou des Vesteraalen.

    Ça va vous faire rire à vous les globe-trotters mais je suis cette fois rentré rétamé avec la seule envie de cocooner chez moi en France !

    6h1/2 de stop au bord de la E6 avec un train à choper à Fauske m’a détraqué la tension artérielle :lol: , et 45 jours à bouffer des produits First Price, ce que je ne fais jamais en France m’ont tuer ce coup-ci…

    Mais c’est tout de même le plus beau pays du monde à mon goût !

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