6500 km : Cambodge, l’atterrissage

Le Cambodge, dernier pays de ce chapitre de périples. Nous arrivons encore une fois ignorants, sauf bien sûr quelques lectures sur les tragédies des années 70-80. Après avoir quitté le poste-frontière et salué le gentil officier qui nous souhaite la meilleure des chances, nous trouvons une route presque déserte de terre rouge. Des nuages de poussière nous enveloppent à chaque passage d’une auto.

Nous retrouvons les hordes d’enfants que nous avions connues au Laos. On nous salue depuis la cime des palmiers, les branches d’arbres, les arrière-cours dissimulées, les étangs, les champs de riz. Plus du tiers de la population est sous l’âge de 14 ans, avec les 65 ans et plus representant seulement 3% de la société. C’est donc en sourires que commence notre exploration.

 

 

Puis, complètement assoiffés mais sans monnaie locale, nous arrêtons à un parasol ou un homme surveille sa caisse à glace rouge (les refrigérateurs sont rares au pays, même dans les villes!!!) et on lui demande le prix d’une bouteille d’eau. Il fait 5 avec ses mains. On va prendre trois bouteilles. Il nous montre vingt cinq avec ses mains : deux doigts sur une main et cinq sur l’autre. Confus et trop fatigués pour communiquer après une nuit d’autobus et 80 km déjà dans le corps, nous évitons l’effort mental en achetant seulement une bouteille.

Le soir, Sigurd s’adresse au Wikipedia sur mon iPod pour déchiffrer notre nouveau pays et m’annonce soudainement qu’on n’utilise pas le système décimal ici. Quoi??? Je refuse de le croire avant de trouver mes propres preuves, mais effectivement – ici ça marche en base 5 combinée avec base 20! Un peu comme quand on dit quatre-vingt en français, mais de façon plus concrète. Quel choc. Que c’est exotique!

Nous passons notre première nuit dans un village presque désert à 40 km de la frontière. Nous nous trouvons dans le coin le plus pauvre du Cambodge, ou les Khmer Rouge se sont retirés à la fin des années 1990. Il n’y a pas beaucoup à manger dans le village mais on trouve un superbe hôtel neuf et désert à 5$ la belle chambre lumineuse. Nous réalisons qu’encore une fois nous faisons face à une nouvelle langue. Nous avons appris un peu de chinois, moins de vietnamien, encore moins de laotien, un tout petit peu de thai et vraiment pas de cambodgien. On a donc pointé et souri et fait des signes à la gentille dame qui nous a ouvert une à une ses casseroles de soupe, puis on a commandé notre première bière Angkor qu’elle nous a servie avec de la glace dedans. Les moustiques se sont attaqués à nous pendant notre petite promenade dans la soirée complètement calme avec un ciel libre d’encombres jusqu’à l’horison. Un garçon était en train de grimper un palmier pour aller chercher des noix de coco.

Nous n’avons toujours pas de carte du Cambodge et les routes ici n’ont même pas de bornes kilométriques : nous n’avons donc aucun plan qui vaille. Nous avons décidé d’emprunter vaguement la direction de Siem Riep (et donc Angkor Wat) et voir ce qui se passe.

Ce pays est véritablement un atterissage après toutes les montagnes qui ont fait partie de notre quotidien pendant les cinq derniers mois. Pas d’ardues montées, pas de descentes vertigineuses, pas de surprises en tournant un nouveau coin de flanc de colline : notre route est soudainement droite et plane, paisible, fondamentale. L’horison est vaste et droit comme celui d’un océan, seulement ses couleurs sont des nuances infinies de vert et d’or et on le navigue en pédalant. On roule à 30 sous un ciel énorme et mes pensées prennent un tour différent. Je sens les tapis roulants dans les longs halls vitrés de l’aéroport, la porte de sortie. C’est comme si on était soudainement arrivés aux murs de la bulle magique ou nous vivions pendant les deux dernières années et qu’il doit y avoir tout près une vitre épaisse au bout de cet horison soudain trop ouvert, comme dans The Truman Show. Avec une porte.

 

 

tout le paysage semble être un interminable marais. Riz, plantes de marais, buffles d’eau, pêcheurs de petits poissons de marais. Tout flotte

 

Un homme travaillant à la récolte du riz nous voit filer sur la route déserte et nous salue en levant sa faucille au bout de son bras. Épique. Prolétaires de tous les pays, unissez vous.

 

 

Il y a aussi de magnifiques arbres, parsemés ça et là au milieu de mers de riz, intriguants par leur nature verticale et leur capacité à créer de l’ombre dans ce relief cuisant sans autre refuge contre le vent et le soleil.

 

Tous les gens que l’on voit sont occupés à deux choses : travailler les champs de riz ou lancer leurs filets de pêche dans les marais. J’aurais aimé prendre plus de photos des pêcheurs mais on roulait trop vite et avions maintenant des objectifs de distance de 100km + par jour.

 

 

des genre d’oasis

 

 

Parfois on se faisait dépasser par des pickups/autobus pleins (!) de passagers.

 

 

flore des marais

 

 

la lumière d’après midi est superbe ici, découvrant encore plus de teintes de vert et colorant les pêcheurs d’une couche additionnelle de romanticism

 

 

Sigurd trouve sur la route le typique poisson

 

 

on lance son filet en lui donnant un grand tour, on laisse les plombs couler au fond, puis on plonge pour cueillir la récolte. On plie ensuite soigneusement le filet et on relance. Les filets sont tous faits à la main – on a vu plein d’hommes au Laos et au Cambodge s’occuper avec ça pendant des journées entières.

 

fini pour la journée

 

 

eau, vert, ciel

 

 

on nous salue chaleureusement

 

 

arrivés au village, on découvre un speed bump un peu intense…

 

 

6$ plus tard, check in dans notre hôtel. Le lit est tellement romantique qu’on oublie le manque de salle de bain sur l’étage. La salle de bain au rez de chaussée est une toilette russe sur un piedestal d’un demi-mètre d’ou il faut descendre en sautant avec les deux pieds sur le carrelage rendu glissant par l’eau éclaboussée du réservoir qui sert d’évier. À ne pas essayer dans le noir!

 

Le matin, nous avions acheté des oeufs cuits pour grignoter dans la journée. Les oeufs étaient vraiment chers et les filles qui les ont vendus à Sigurd arrêtaient pas de rigoler pour une raison mystérieuse. Malheureusement, notre manque de langage commun a rendu impossible une discussion productive sur la nature du produit. Nous avons donc eu droit à un beau choc quand Sigurd a commencé à peler son oeuf. Âmes sensibles s’abstenir! Sous le sac embryonal, on pouvait clairement distinguer que le petit foetus avait déjà toutes ses plumes. Je mets la photo la plus floue que j’en ai pour vous éviter un tour à la salle de bains. Inutile de dire que le mets ne fut pas dégusté.

 

 

Nous nous arrêtons souvent pour acheter des mangues à 1$ le kilo. Sigurd porte un t-shirt assorti.

 

 

Arrivant à Siem Riep, plein de petits enfants avec des vélos trop grands.

 

 

À Siem Riep, nous trouvons que notre 6$ nous garantit des conditions de vie un peu meilleures qu’à la campagne…

 

 

La grosse nouvelle est donc que Sigurd a envie de se poser un peu après deux ans de voyage, et avoir un vrai travail pour un bout de temps. Nous avons envie d’essayer la France, le Québec ou l’Asie, et notre processus de recherche d’emploi est donc un peu complexe. Quant à moi, j’envisage toujours de m’attaquer à l’Asie Centrale au printemps si j’ai de bons compagnons (hein Camille), mais je veux bien jeter un coup d’oeil sur le marché de l’emploi pour voir s’il y a quelque chose de passionnant. Le retour au Québec pour quelques années me tente pour retrouver mes amis et donner une chance à Sigurd d’apprendre le français. La crise économique européenne tient peu de promesses quant à un emploi sur le vieux continent, mais on va voir. On cherche aussi au sein d’ONG internationales. On garde donc nos horisons ouverts pour un nouveau chapitre en 2012 : qui sait ce que l’avenir nous reserve?

On passe donc trois semaines à Siem Reap entre la recherche d’emploi et la visite des temples d’Angkor. On se dit que chercher une job parmi les palmiers, la piscine et la bière froide avec un coût de la vie de 10$ par jours est moins déprimant qu’un novembre de chômage au nord de l’hemisphère nord.

À venir : les superbes temples d’Angkor.

5 Comments

  1. Ca fait des mois que je guette les nouveaux billets, pour voir où vous en êtes, à me demander où vous mèneront les prochains épisodes… Parce que j’aime bien vos photos, et puis ce que tu racontes – c’est bien loin des blogs de voyages habituels (à ce propos, il y a un concours du National Geographic, tu devrais regarder si tu peux envoyer des photos – attention ça finit demain- http://ngm.nationalgeographic.com/ngm/photo-contest/ )(bref, je suis timide mais il faut bien le dire : c’est mon blog préféré de la terre entière!)
    Alors c’est un peu triste de savoir qu’il y aura moins d’aventures et de paysages à voir… enfin, je vous souhaite tout de même bonne chance pour la suite, et de continuer à explorer de nouvelles contrées, quelle qu’elle soient :)

  2. Wow merci beaucoup Anne! Je ne sais jamais exactement qui lit mes notes mais je vais écrire un peu pour toi aussi maintenant :) Ne t’en fais pas, je suis sûre qu’il y aura en masse de “n’importe quoi” dans l’avenir proche pour inspirer une infinité de nouveaux carnets… la preuve – les deux ans que nous avons passés en Norvège. Donc, malgré le fait qu’on cherche un emploi, ça veut pas dire qu’on va devenir sages et nous consacrer entièrement au design intérieur! N’hésite pas à laisser de petits mots et merci pour ton encouragement!
    Marina

  3. Looks amazing as usual. Be warned though: Cambodian children are the cutest in the world. If you arrive in London with one, I will inform the authorities…

  4. On ne se connait pas du tout, j’ai trouvé votre site par hasard… mais je me suisi vraiment régalé à lire vos belles avantures. Et c’est drôle, bien écrit avec de belles photos! Merci merci merci et bon vent :)

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